Les jeunes générations veulent une parole libre et authentique comme nous l’avons dit précédemment et cela, au sein même des entreprises. Mais même quand l’émetteur s’exprime ainsi, s’il n’a pas en face de lui une oreille attentive, ça ne sert pas à grand-chose.*
Il s’agit dans un premier temps de faire la différence entre la confrontation et l’affrontement qui sont souvent confondus.
Affronter, c’est faire front à quelqu’un, cela fait référence au combat, à l’opposition d’idées. Ce qui est contre-productif et laisse des traces dans la suite des relations.
Alors que confronter c’est un processus positif qui consiste à mettre des personnes en présence, pour comparer, échanger, partager leurs points de vue, leurs idées. Ce qui challenge, brasse dans une logique d’amélioration continue.
Aujourd’hui, le client est difficile à satisfaire, l’innovation notamment opérationnelle est au cœur des enjeux des entreprises et c’est seulement en favorisant la contradiction que les équipes vont monter le niveau d’exigence et l’excellence. Cela évite les non-dits et permet à chacun de se sentir écouté, valorisé et de profiter de l’expérience et des idées de tous. Cela favorise aussi la prise d’initiatives, la créativité et permet la remise en cause pour développer la performance.
Ce n’est pas forcément facile car des peurs multiples peuvent apparaitre : peurs de déranger, de blesser, que ce soit mal pris, d’être pointé du doigt, d’être vu comme quelqu’un de négatif, d’être victime de sarcasmes, d’être mis au placard … La peur est l’émotion la plus présente au sein des entreprises contrairement à ce qu’on pourrait penser. Et quand elle est présente, elle paralyse celui qui l’éprouve ou provoque des comportements tels que la colère, la tristesse car une émotion affichée peut en cacher une autre moins avouable. C’est ainsi qu’il vaut mieux, dans certaines organisations, “voir rouge” plutôt que d’avouer sa peur.
Le problème, c’est ce manque d’humilité trop présent, des égos parfois surdimensionnés qui ne souffrent d’aucune remarque. Il y a donc une véritable difficulté à entendre car il y a trop de confusion entre remarque, critique constructive et critique négative. Un grand patron français est surnommé “Robocop” par la majorité de ses collaborateurs. Certes, tout le monde le respecte, le “craint” mais ce n’est pas certain que ses équipes osent lui dire vraiment les choses !
Mais il y a aussi les maladresses à dire les choses, une sorte de culture du secret et surtout une envie de certains de ne pas trop se faire remarquer…
C’est ainsi que des entreprises sont victimes du syndrome du “politiquement correct” à tout prix qui entraine un consensus mou mais sans heurt et lisse. Sans parler des jeux de manipulation, de pouvoir qui jalonnent la vie des sociétés. Nous avons accompagné un certain nombre de comités de direction “minés” par ces jeux psychologiques et où les membres restent dans le rang pour éviter de faire des vagues.
Or Patrick Lencioni, dans son livre “Optimisez votre équipe – les 5 dysfonctionnements d’une équipe” identifie 5 piliers au cœur des problèmes des entreprises :
1. Le manque de confiance entre les gens.
2. La peur de la confrontation, des conflits. Il y a ainsi 8 comportements destructifs qui “polluent” les débats en entreprise ou même dans sa sphère privée : montrer sa colère, dévaloriser autrui, vouloir se venger, gagner à tout prix, éviter autrui, céder, se critiquer, cacher son ressenti.
3. L’absence ou le manque d’engagement.
4. L’évitement de la responsabilité mutuelle ; on cherche un coupable plutôt qu’une solution.
5. L’inattention aux résultats.
Pour Lencioni tout démarre de la confiance entre les membres d’une équipe. Pour la construire, chacun doit pouvoir librement admettre ses erreurs et ses points faibles. Il faut réussir à avoir des débats ouverts et passionnés et à traiter les conflits en maintenant la relation. Les bons comportements sont de rester focalisé sur le problème à résoudre, de temporiser, de rester flexible et rationnel et ne pas tomber dans le piège de l’émotion. En tous cas, de ne pas se laisser emporter par elle mais d’apprendre à l’exprimer calmement sans la mettre sous le tapis. Quoiqu’il se passe, il est vivement conseillé de rester dans la relation et de s’orienter “création de solutions”.
L’équipe pourra alors s’entendre et s’engager individuellement sur des décisions précises prises collectivement. Chaque personne se sentant pleinement coresponsable et portant un intérêt prioritaire aux résultats collectifs.
La clé est d’apprendre à l’ensemble des collaborateurs à dire les choses dans le respect des personnes mais au service du but commun, des enjeux de l’entreprise. Ils ont besoin de se connaître, au-delà du superficiel pour réussir à se faire plus confiance.
Dans une culture de “communication responsable”, les collaborateurs deviennent capables de faire la différence entre les faits, les opinions et les sentiments. Bien sûr les premiers sont à privilégier mais il est aussi important de savoir reconnaître et d’oser dire son émotion, d’utiliser le “je” à bon escient.
Si le manager qui évolue dans une organisation pyramidale passe beaucoup de temps à piloter, contrôler, reporter, le leader en réseau va quant à lui développer les interactions, travailler en mode collaboratif et avec des techniques de communication partagées qui favorisent l’échange authentique, l’agilité et l’innovation. Une façon simple pour créer une ambiance propice à cet état d’esprit, c’est de mettre en place un debriefing hebdomadaire afin de connaître le feed-back de l’équipe. Que s’est-il passé en positif comme en négatif (séquence rétroviseur) ? De quoi avez-vous besoin pour que ça se passe bien dans la semaine à venir (séquence parebrise) ?
Chacun doit se mettre dans une spirale positive.
Si je vais vers l’autre, que je tente de comprendre les choses de son point de vue et que je lui propose de chercher ensemble une solution, il est probable que sa réaction sera plus favorable.
Mais se dire les choses, au-delà du superficiel n’est pas naturel. Il y a de la méfiance, la peur de vexer l’autre, etc.
Le cheminement pour créer de l’indépendance intelligente et une parole responsable d’un jeune collaborateur se fait en 4 étapes et chacune d’entre elles a besoin d’un accompagnement et d’une posture adaptés :
1. Dépendance – phase “nourrisson” : le leader prend en charge, rappelle le cadre, explique et forme par exemple le jeune qui vient de les rejoindre. Il le pousse déjà à donner son avis.
2. Contre dépendance – phase “hérisson” : le leader poursuit le travail d’accompagnement et accepte de se prendre des contestations plus ou moins justes sans pour autant rejeter le jeune collaborateur. Il repense au projet commun, aux valeurs partagées. Il se dit que certains comportements de colère, d’irritation sont en fait liés à des peurs sous-jacentes.
3. Indépendance – phase “séparation” : le leader accepte de ne pas être au courant de tout, il accepte le rythme et une forme de narcissisme de l’autre, “l’absence” de relation apparente et il n’agresse pas le jeune collaborateur quand celui-ci revient vers lui.
4. Interdépendance – phase “unisson” : c’est l’autonomie réelle ; les choix sont assumés.
Il est important d’être cependant vigilant à ne pas rester qu’entre pairs et dans une sorte de bulle où chacun comprendrait l’autre en quelques instants. Le leader et le jeune collaborateur auront parfaitement réussi quand ils pourront travailler avec des personnes plus avancées qu’eux aussi bien qu’avec des personnes qui n’ont pas leur stade de développement. C’est comme cela qu’ils pourront ouvrir réellement le champ des possibles et être dans une véritable confrontation riche et vertueuse.
Et arrêtons de croire qu’il est possible de passer directement du stade 1 au 4 ! Le cheminement est inévitable et il faut s’y préparer. Le passage par le sens permet d’accélérer le processus de croissance du collaborateur car la vision est fédératrice même pour des personnes qui sont à des stades d’évolution différents.
Finissons en beauté avec le manager sans empathie par excellence, le fameux Docteur House : agressif, moqueur, humiliant dès qu’il peut ses collaborateurs, ne supportant aucune norme car pour lui seul l’objectif de sauver des vies prime… Attention, en parallèle, il procède par essais, il a intégré dans son management le droit à l’erreur et autorise facilement la contestation d’un collectif qui challenge ses idées… tout n’est pas perdu pour lui.
Docteur House créé par David Shore
Cet article est un extrait de notre Livre blanc :
10 idées sur le management inspirées par les jeunes (Nouveauté 2018)