Avec l’évolution du digital, les espaces temps sont revisités et de nouvelles formes de travail ont vu le jour. Toutes les générations, pas seulement les Y et les Z, aspirent à mieux articuler vie professionnelle et vie personnelle. Dans son livre “Petite Poucette”, Michel Serres met bien en avant que pour ces nouvelles générations, le rapport au temps et à l’information est complètement différent. Il parle de véritable révolution qui aura de multiples conséquences pour partie encore insoupçonnées dans le monde de l’entreprise.
Une enquête de 2015 de Leesman auprès de plus de 100 000 personnes fait ressortir que 46% des participants ont plus de 10 activités par jour, dont 22% qui en ont de 16 à 21 ! Cela suppose de disposer d’espaces multiples, adaptés à cette nouvelle donne qui met la mobilité et le travail collaboratif au cœur.
Nous sommes face à un paradoxe énorme : beaucoup de personnes se sentent à la fois coupables de passer trop de temps “connectés” et en même temps reconnaissent que leur smartphone est leur meilleur ami et qu’il leur facilite énormément la vie. D’ailleurs, de nombreuses expressions anglo-saxonnes ont vu le jour pour expliquer cette ambiguïté.
Cette hyper-connexion facilite le zapping entre les activités personnelles et professionnelles. Les deux mondes se mêlent au quotidien. Qui n’a jamais pris un billet de train personnel ou regardé son profil Facebook sur son lieu de travail ? Inversement, le travail rentre dans la sphère privée plus fréquemment qu’avant avec les nouveaux outils digitaux.
Concrètement, le travail multi-tâches est devenu la norme – ça s’appelle le “multitasking”. La frontière perso-pro est perturbée, on parle de “blurring” quand on évoque le brouillard entre les univers personnel et professionnel. De même, lors des déplacements professionnels est apparue la notion de “bleisure” pour expliquer qu’on passe d’un dossier client à un jeu ou d’une conférence en ligne au visionnage d’un film.
Nous avons réorganisé nos journées autour de ces nouveaux outils. En fait, nous faisons des micro-pauses appelées “micro-leisure” et cela touche toutes les générations. C’est la fin des classiques 9h-18h. On peut travailler le soir, la nuit après un dîner et cela de n’importe où. En 2013, déjà 50% des cadres emportaient du travail chez eux selon l’APEC.
Il est très important en termes d’engagement des employés de permettre à chacun de respecter ces nouvelles méthodes de travail qui vont dans le sens du bien-être et de la qualité de vie au travail tant attendus. Et arrêter de critiquer systématiquement les temps de pause à la machine à café, à la cafétéria ou à la cantine car, selon Valéry Parenty de Saguez Workstyle, 90% des conversations qui s’y déroulent parlent du travail !
Interdire l’accès aux réseaux sociaux ou aux outils de chats aux jeunes salariés est aujourd’hui perçu comme anachronique et rétrograde. Les sociétés se doivent plutôt de développer les réseaux sociaux internes professionnels qui fonctionnent en miroir, dans la même logique collaborative. Un outil digital n’est cependant rien s’il demeure la seule concession faite aux pratiques de travail modernisées. A côté de cela, l’entreprise peut aller dans le sens de la porosité des deux mondes en laissant des espaces temps pour travailler sur des projets personnels, pour booster toute forme de créativité.
Offrir des services qui facilitent la vie des salariés comme des jeux, des espaces détente, une conciergerie, une salle de sport, une crèche, c’est aussi développer de l’engagement et finalement la performance. Il faut donc revoir complètement les stratégies d’engagement des salariés. Mais attention, croire que mettre un babyfoot et un toboggan va suffire est une grossière erreur !
Certaines entreprises créent des postes de CHO (Chief Happiness Officers), autrement dit un responsable du bonheur en entreprise. Ces profils insufflent dans l’entreprise les ingrédients de la recette : de la communication interne, des RP un peu fun, un côté “GO”, et un soupçon de RH de proximité.
L’idée peut être intéressante mais elle ne remplace pas pour autant le management à proprement parler. Allons au-delà de l’effet de manche pour sauver son image. “Faire de la Com” pour réenchanter soi-disant la vie du collaborateur ou “jouer à la Start-up cool” si ce n’est pas suivi d’actes concrets ne marchera pas non plus. Les collaborateurs, quel que soit leur âge, ne sont ni candides, ni dupes !
Par exemple, moi fidèle partisane et pratiquante de la Méditation, je regarde d’un œil sceptique cette déferlante de Mindfulness en entreprise. Quelle est l’intention ?
C’est avant tout une pratique très personnelle, un cheminement intérieur. Si les collaborateurs font le choix express d’en faire, c’est parfait. Mais certaines sociétés se servent de cette pratique pour faire passer un semblant de sens à toutes les transformations et dans le même temps les surchargent de travail de l’entreprise.
Prôner l’agilité, ce n’est pas faire avaler des couleuvres aux salariés ! Ce n’est pas de l’agitation non plus. Etre agile pour un salarié, c’est se concentrer sur le moment présent, en pleine conscience, pour mieux rebondir ensuite.
L’entreprise, en mettant en place des objectifs de résultats qui sont alignés sur le projet de l’entreprise et partagés par tous, va pouvoir lâcher sur les sujets du présentéisme et des horaires fixes. A l’heure où les salariés souhaitent travailler en toute autonomie ; ils devraient pouvoir le faire n’importe où et à n’importe quel moment.
Selon deux études récentes*, seuls 17% des salariés pratiquent le télétravail, alors qu’ils sont plus de 60% à y aspirer ! Parmi ceux qui le pratiquent :
* Ipsos & Revolution@work fin 2016 et rapport Mettling pour le ministère du travail sept 2015.
Le décalage est encore très fort entre les envies des collaborateurs et la réalité ! Une ordonnance du gouvernement Macron porte le télétravail comme une norme et c’est dorénavant à l’employeur de se justifier en cas de refus. Les choses vont peut-être ainsi évoluer.
Aujourd’hui, l’entreprise est invitée à accepter la flexibilité : d’après un sondage réalisé par TNS Sofres en 2014, 99% des employés considèrent la conciliation vie privée et vie professionnelle comme importante dans la satisfaction au travail. Et 75% la trouve essentielle !
Mettre en place des horaires flexibles est un moyen parmi tant d’autres d’y parvenir. Cela permet plus de bien-être, moins de fatigue. On gagne en efficacité, en productivité. Cela peut permettre une meilleure maîtrise des coûts en économisant des surfaces par exemple. Cela peut simplifier aussi la vie des collaborateurs lors de grèves de transport ou d’intempéries. On s’inscrit aussi dans la logique du développement durable.
C’est aussi perçu comme un avantage octroyé par l’entreprise, une marque de confiance !
Cela favorise les enjeux de motivation, de fidélisation des collaborateurs. D’une façon globale, l’entreprise doit laisser de la place au collaborateur pour être dans une logique de
co-construction de l’organisation de son travail. À chacun son emploi du temps (horaires, pauses…) tant le collaborateur est productif (sauf bien sûr dans des métiers spécifiques).
84% des jeunes diplômés sont prêts à déménager si leur emploi le nécessite. Alors ils attendent de la souplesse aussi dans l’entreprise. Et ce n’est pas parce que tout n’est pas possible que rien ne l’est. Cela semble à priori tout simple et pourtant cela implique pour certaines organisations de revoir totalement leurs façons d’organiser le travail. Les locaux peuvent être sympas et adaptés : trouver des lieux et des agencements qui font la part belle aux individualités tout en favorisant le collaboratif. Avec par exemple, en parallèle des open-spaces et salles de réunion, des endroits pour téléphoner tranquillement, des “bulles d’isolement”, des salles de repos ou d’échange favorisant l’inclusion et la convivialité. Pour réussir un tel projet, rien de mieux que de le coconstruire avec les collaborateurs eux-mêmes.
En 2016, selon l’étude Buzzy Ratios Arseg, 35% des salariés français changent de bureau chaque année donc ils sont quand même de plus en plus nombreux à “bouger” ! D’ailleurs, dans certaines entreprises, les bureaux ne sont plus attitrés et chacun s’installe à la place qui convient à son activité du moment. Pour l’ex-patron de FAVI, Jean-François Zobrist, qui a mis en place l’entreprise libérée, “le diable est dans les cloisons” et il dit qu’il faut “faire sauter toutes les cloisons pour mettre toute la chaîne dans une même tête”.
Des plantes, une Playstation, un babyfoot peuvent agrémenter des journées de travail intenses et plaire aux jeunes générations. Mais encore une fois, s’il n’y a que de la décoration pour être dans le coup et que la culture managériale n’est pas collaborative ; ça ne suffira pas.
Sont apparus également de nombreux lieux de co-working avec des aménagements souvent “cocooning” avec des poufs, des canapés, des lieux conviviaux qui favorisent les échanges avec d’autres personnes et d’autres sociétés. Nous sommes dans une ère de décloisonnement alors pourquoi ne pas faire aussi du co-working à tous les niveaux hiérarchiques et entre services ? Quoi de mieux pour s’assurer de la transversalité ?
A contrario, un collaborateur trop investi, qui ne veut plus rentrer chez lui tellement il se sent bien dans l’entreprise n’est pas forcément une bonne chose. Il s’agit de savoir déconnecter sous peine de burn-out. Avoir une vie en dehors du travail est aussi essentiel !
Sophia Marlowe, l’héroïne de Girlboss, a 20 ans et est un peu perdue. Son avenir professionnel est plus que flou. Nous sommes au début des années 2000 et la bulle Internet commence à bouleverser les codes. Cette série
américaine librement inspirée par la vie de son auteur Sophia Amoruso nous replonge dans ces années où le e-commerce et les ventes aux enchères en ligne ont littéralement modifié les parcours clients traditionnels… Retrouvez l’effervescence de cette jeune entrepreneuse qui s’invente la vie professionnelle qui lui convient.
Girlboss créé par Kay Cannon
Cet article est un extrait de notre Livre blanc :
10 idées sur le management inspirées par les jeunes (Nouveauté 2018)