Si notre métier de formateur a changé avec le télétravail, il est indéniable que la posture du manager en tant qu’animateur à distance a changé également, et de la même façon. Le formateur comme le manager ne peuvent pas juste tenter de s’adapter en faisant du “copier/coller” ; Les deux ont une nouvelle posture à trouver à distance pour embarquer les participants et maintenir le cap, posture qui doit être entrainante, motivante, donner envie à chacun de contribuer, et qui est différente de la posture en présentiel.
Ce que voient les participants, c’est un visage au milieu d’un écran, avec dans la plupart des cas, une présentation partagée. Pour que la formation et/ou la réunion soit une réussite, il est nécessaire de transformer et de rendre plus attrayant le modèle d’animation. L’intervenant devient alors « un animateur de talk-show ». Il n’est plus question d’abreuver les participants de présentations de 70 diapositives.
Réussir ses réunions et ses formations à distance implique de réinventer la construction de son intervention, il n’est pas envisageable d’appliquer tels quels les programmes de formation ou de réunion classiques à la visio conférence. La réorganisation de son animation est incontournable.
Les participants sont dans un environnement sécurisé et la plupart du temps privé, puisque à leur domicile. S’ils s’ennuient ou simplement s’ils ne sont pas suffisamment sollicités ou se sentent moins concernés dans une réunion à distance, ils vont rapidement s’occuper autrement. Au fur et à mesure de l’intervention, certains vont couper les caméras, d’autres coupent également les micros, et clairement ils se mettent à faire autre chose. Combien de personnes en profitent pour répondre à leurs mails à ce moment-là, voire travailler sur leurs sujets « chauds » ?
Au contraire du présentiel, le formateur – ou le manager – ne va pas avoir le ressenti en direct, il ne « sent » pas, ou moins, ce qui se passe dans la « salle ». Il est beaucoup plus difficile pour l’animateur à distance de repérer les signes d’intérêt ou de démotivation, et encore plus quand certains participants ne sont pas équipés de caméra.
Ce que révèle le distanciel, c’est que la formation ou la réunion suppose une implication nettement plus importante du participant. Ce qui signifie que dans une réunion virtuelle le lien entre les participants et l’animateur doit être continu. Or, si tout le monde a le regard sur la présentation projetée, l’animateur a encore moins l’occasion de voir ce qu’il se passe pour les participants.
Tout d’abord nous avons commencé par diviser par 3 le nombre de diapositives que nous partageons. Ensuite pour les dispositives que nous gardons, nous utilisons des visuels impactants, parfois décalés et qui font lien avec les sujets abordés.
Nous avons remplacé les phrases par des mots qui reprennent l’idée proposée.
Nous misons également sur le collaboratif. Nous organisons des exercices en sous-groupes qui favorisent la créativité, les réflexions, les échanges pour faire émerger les prises de conscience et développer un apprentissage basé sur l’expérience.
Ce qui est vrai pour l’animation de formations à distance est vrai aussi pour le management à distance. Pour que les messages du manager soient reçus avec impact, que ses réunions soient dynamiques, constructives, qu’elles soient appréciées, il est nécessaire qu’il agisse comme un animateur.
Des visuels plutôt que des diapositives trop chargées, du questionnement plutôt qu’un monologue trop long, du partage de réflexions plutôt que des apports descendants…
Tout comme dans les formations, il est important de varier également les méthodes d’animation. Utiliser le travail collaboratif en sous-salles, faire participer via des applications spécifiques sur les mobiles, utiliser des vidéos, faire lire des articles en amont, utiliser une tablette graphique et un tableau blanc en remplacement du paperboard.
Pour pouvoir tendre vers cette posture d’animateur, encore faut-il que le manager ait à sa disposition les outils adéquats.
Or, une étude récente montre que seul 10% des managers a été formé à l’animation en visioconférence,
Autre chiffre, la moitié des entreprises françaises n’est pas équipée pour pouvoir travailler efficacement à distance.
Nous même, nous faisons régulièrement l’expérience d’animer des formations en visio avec des participants non équipés de caméra sur leur ordinateur ! sans compter les participants ou collaborateurs qui n’ont pas été formés à l’utilisation de leurs applications à distance et qui ont un mal fou à récupérer des documents partagés, rejoindre les sous-salles etc…
Tout comme les formateurs, les managers doivent être à l’aise avec les outils comme Teams, Zoom, Webex, etc. Ils doivent savoir avec fluidité comment partager un écran, une vidéo, travailler sur un document partagé ou un tableau blanc, créer des sous-salles, dispatcher les participants pour les travaux en sous-groupe, passer de l’une à l’autre pour apporter éventuellement apporter de l’aide.
Une caméra et un micro de qualité sont aussi indispensables, ainsi qu’un casque en fonction du lieu de travail et de la qualité d’écoute.
Les messages perdent forcément en impact si à tout instant, on doit se préoccuper des « détails » (qui n’en sont pas) liés à la technique. Le mieux est de s’entrainer en amont d’une réunion à forts enjeux. Quel dommage de tout rater à cause d’un manque d’agilité avec les outils !
La légitimité managériale peut être écornée pour une défaillance dans l’animation de la réunion distancielle. De plus, le manager se doit d’être modélisant lui-même car de nombreux collaborateurs vont à leur tour interagir à distance avec des partenaires, des clients puisque cela devient la norme.
Nous incluons de plus en plus dans nos parcours managériaux des formations pour aider les managers à se sentir à l’aise et à développer une posture qui embarque les collaborateurs. Appliquez les recettes des formateurs aguerris à vos réunions… la performance sera au bout du chemin.
En synthèse, la posture du manager à distance est aujourd’hui clairement une posture d’animateur à réinventer. Et il y a de quoi s’amuser, non ?
Valérie Bernardout