L’entreprise est emplie d’émotions, des collaborateurs joyeux, en colère ou en situation de conflit. Et il est aussi fréquent de rencontrer dans nos équipes des personnes ayant peur ou tristes dans leurs relations professionnelles. Comment les accompagner et rester performant ?
On connait les 4 émotions primaires : la joie, la colère, la tristesse et la peur, auxquelles on peut associer le dégoût. Il est d’usage en entreprise de cacher ses émotions, en tous cas certaines émotions. Les émotions qui sont les plus « autorisées » et que se permettent les personnes, sont la joie (fort heureusement) et aussi paradoxalement la colère.
Il n’est pas rare d’entendre parler de « coup de gueule », de « clash », de conflits ouverts entre des individus qui sont alors qualifiés de personnes avec du caractère (nous ne parlons pas des colériques chroniques toxiques…).
En revanche, il est rarissime d’entendre de quelqu’un qu’il a exprimé soit sa peur, soit sa tristesse dans une situation relationnelle avec quelqu’un, et notamment dans la relation managériale.
Parce que justement ses émotions ne sont pas « permises ». La croyance est forte que si l’on exprime ces émotions-là, on fait état de faiblesse, que l’interlocuteur risquerait de saisir, ce qui ferait perdre en crédibilité.
En psychologie, l’Analyse Transactionnelle (Qu’est-ce que l’Analyse Transactionnelle) indique que lorsque nous n’avons pas été « autorisé » à exprimer certaines émotions, lorsque l’une d’elles apparait, par un système de défense, nous la remplaçons par une autre, qui elle, est autorisée.
Il est donc fort probable qu’en entreprise, la colère étant la plus « permise » elle s’exprime aussi en remplacement d’une émotion ressentie qui est empêchée d’être exprimée. La joie peut également remplacer la peur ou la tristesse, on parle alors de « rire jaune ».
De fait, lors de nos accompagnements certains des collaborateurs avouent que lorsqu’ilsressentent une émotion, ils font en sorte que ça ne se voit pas ». Belle et piètre croyance de penser que l’on peut « cacher » ses émotions.
Lorsqu’une émotion apparait, elle se voit immédiatement. Parce que l’émotion va plus vite que la pensée. Le corps réagit instantanément, puis l’information monte au cerveau, puis on met en place son système de défense. De manière très rapide certes, mais pas suffisamment pour cacher son émotion.
On peut agir ensuite de deux manières, soit en « réactance » et ce sont « nos trippes » qui vont parler, soit en agissant en conscience, c’est-à-dire en exprimant ce qui se passe pour soi et qui donnera du sens à ce que l’interlocuteur a peut-être repéré.
Les bénéfices à exprimer ses émotions sont multiples et notamment :
Partager son émotion avec son interlocuteur va permettre en authenticité de ramener la relation vers la coopération, et permettre également à l’interlocuteur de prendre conscience de ce qu’il met en place au travers de ses propos.
L’alignement du verbal et du non verbal va également permettre de donner du crédit à ce que l’on dit, de gagner en confiance et de mettre en confiance. C’est le « parler vrai »
Dans la relation managériale, c’est l’occasion de renforcer le lien, de mettre en place des feedbacks plus poussés dans les deux sens, faire progresser ses collaborateurs…
Il ne s’agit pas en exprimant ses émotions de se plaindre ou de faire des reproches, ce qui serait totalement contre-productif.
Il s’agit d’exprimer son ressenti au service d’une demande. Derrière une émotion, il y a un besoin. Si une personne parle d’une manière irrespectueuse et que son interlocuteur se sent malmené ou dévalorisé, son besoin sera de revenir à un niveau d’échange qui soit constructif permettant de poursuivre la discussion pour arriver à quelque chose. Si rien n’est dit du ressenti, le ton risque de monter ou les deux risquent de se fermer. Or l’interlocuteur n’est peut-être pas dans une intention négative, mais lui aussi dans un ressenti qui l’amène à être agressif et irrespectueux, dans son propre système de défense.
Ainsi pourrait être exprimé le fait de se sentir malmené, que continuer le dialogue ainsi n’est pas possible et qu’il est besoin de revenir à un niveau d’échange qui soit acceptable pour l’un et l’autre afin de de continuer la conversation.
En voici un exemple lors d’un RV avec une de mes clientes avec qui la relation est habituellement agréable. Rapidement après le démarrage de notre échange, ma cliente s’adressait à moi d’abord très froidement, puis paraissait agacée, elle soufflait, levait les yeux au ciel. Cela a duré 10 bonnes minutes, jusqu’à ce que je m’arrête et exprime, que j’étais très surprise de la tournure de la conversation et qu’il m’était difficile de poursuivre sur ce mode. Après lui avoir indiqué que j’avais besoin de comprendre ce qu’il se passait, ma cliente s’est excusée, et m’a proposé d’aller prendre un café. Elle venait d’avoir une altercation avec l’une de ses collaboratrices, et avait démarré notre entretien avec la colère que cela avait généré chez elle.
Il y a une multitude de possibilités, au-delà de « j’ai peur », « je suis en colère », « je suis triste », « je suis content » permettant d’exprimer ses ressentis. Plus le champ d’expression des émotions s’élargit, plus l’on gagne en crédibilité.
Avec 3 à 4 % de la population, exprimer ses émotions ne mènera à rien, et pourrait même amener un retournement de situation dangereux. Ses personnes sont rares, et généralement elles sont repérées dans les entreprises. Un livre sur le sujet a été écrit et donne même un modèle pour calculer les pertes financières liées à ces profils : « Objectif Zéro salle con » de Robert Sutton, professeur de sciences de gestion à la faculté de génie de l’Université de Stanford.
Il est prouvé également que l’on dépense contre soi-même une énergie négative à ne pas exprimer ses ressentis. La bonne nouvelle, c’est qu’avec plus de 95% de ses interlocuteurs, Il est possible de partager ses émotions et notamment lorsque nous avons besoin et/ou envie de sauvegarder une relation de qualité.
Voir notre article sur la communication authentique
Ne faisons donc pas l’économie de cet outil puissant.
« Lorsque nous apprenons à gérer nos émotions nous pouvons obtenir une perspective plus large sur n’importe quelle situation, et souvent nous sauver de la douleur et de la frustration. » – Dr Childre et Howard Martin