Avec leur tête, les managers intègrent et comprennent, souvent très bien, ce qui est attendu d’eux. Ce qui ne veut pas dire qu’ils vont changer concrètement quelque chose dans leurs pratiques. Le cœur, c’est la motivation, l’envie de vouloir expérimenter, de faire différemment. Mais le fait d’avoir compris et d’avoir envie ne sont toujours pas suffisants pour que les changements soient mis en place même si cela a du sens. C’est l’alignement entre la tête, le cœur, ET le corps qui va faire que les changements vont être réels et vont se voir.
Il y a moulte possibilités de déclencher chez des managers des prises de conscience par des approches corporelles pour leur faire intégrer la nécessaire transformation de leurs comportements managériaux. Pour activer le corps, il est par exemple possible de susciter les prises de conscience grâce à des mises en situation ou à des exercices corporels. Dans cet article, nous souhaitons vous parler de 2 expériences par le corps particulièrement percutantes.
Il y a une quinzaine d’année, alors que je me formais au coaching, j’ai eu l’occasion de participer à un atelier d’équi-coaching. Et je dois dire que je me suis pris une belle claque. D’abord parce que je connais très bien les chevaux, j’ai été dans une autre vie accompagnatrice de promenade équestre avec mes propres chevaux. Je me suis donc rendue à cet atelier très confiante et très heureuse de retrouver ces animaux que j’affectionne particulièrement. Nous étions une dizaine de personnes.
L’accompagnatrice nous a proposé un exercice où nous devions être au centre du manège. Le cheval se déplaçait tranquillement autour du manège, sans longe ni équipement pour le guider. Nous devions lui donner un ordre clair à transmettre à la fois avec la voix et avec le corps pour que le cheval comprenne bien la demande. Je me suis donc mise en action pour donner mon ordre, je souhaitais simplement qu’il s’arrête le long du manège. Manifestement ma demande ne devait pas être claire et surtout ma voix ne pas être en accord avec ma posture. Le cheval s’est bien arrêté … et s’est tourné pour me montrer son postérieur ! Une belle vexation ! et en même temps une très belle leçon d’humilité ET aussi de management.
Comment être un leader si l’on n’est pas clair sur ses propres intentions ?
Ce que cette expérience raconte, c’est que si l’intention derrière la demande n’est pas claire, elle ne sera pas suivie d’effet. Le destinataire de la demande est dans l’interprétation et ne fait que ce qu’il croit avoir compris. De la même façon, en management, si l’intention du manager n’est pas claire, il n’y aura pas l’effet escompté. Cela risque même d’être contre-productif et d’entraîner une perte de crédibilité pour le manager et une perte de confiance et d’envie pour les collaborateurs.
Les approches corporelles telles que l’équi-coaching permettent ainsi aux managers d’avoir des prises de conscience profondes sur l’impact de leur posture, de leur non verbal (voix et corps) et de trouver des pistes concrètes pour développer leur leadership.
Il y a une dizaine d’année m’a été offert un stage de tango. Je m’y suis donc rendue avec l’idée de faire un simple stage de danse. Or tout au long de la journée, je n’ai cessé de faire des liens entre ce que j’expérimentais avec mon partenaire danseur, et la relation manager-collaborateur. Cela peut paraitre étrange et pourtant …
Dans cette danse qu’est le tango, il ne peut y avoir d’harmonie, ou même simplement on ne peut parler de « danse » que si les deux partenaires sont à l’écoute l’un de l’autre. Ils « travaillent » main dans la main et chacun est acteur. Chacun a son rôle à jouer et chacun est coresponsable de ce qu’il se passe ou pas.
La personne qui guide doit être à l’écoute de la personne qui est guidée pour pouvoir progresser ensemble, de manière fluide et naturelle. Il ne doit pas y avoir l’impression pour la personne qui est guidée « d’être forcée de », elle ne peut pas être contrainte. S’il y a contrainte, ça ne fonctionne pas, on se marche sur les pieds, la personne guidée résiste, et celui ou celle qui guide est obligé de forcer pour déplacer son ou sa partenaire. Du côté de la personne qui est guidée, pour pouvoir être actrice elle aussi, elle doit lâcher toute résistance et être à l’écoute du mouvement de son ou sa partenaire, elle doit être capable d’interpréter et de réaliser ce qui est proposé. Le guide par sa posture propose des figures de manière suffisamment claire et précise pour que le guidé interprète au plus juste et agisse en conséquence, sans y être forcé. C’est finalement ce que l’on appelle l’empowerment. Pourquoi les personnes suivent elles leur manager quand elles n’y sont pas contraintes ? A travers le juste équilibre entre les postures de « guide » et de « guidé », cette danse ressemble à la relation manager-collaborateur. Il est là le secret des approches corporelles.
La grande difficulté évidemment dans cette danse qu’est le tango, tout comme en management, c’est de lâcher le désir de contrôle (prendre le pouvoir sur) et de développer la capacité de se laisser « contrôler ». Will Schutz parle du contrôle comme d’un besoin d’établir et maintenir une relation satisfaisante avec les autres en matière de contrôle, d’influence et de pouvoir. Ce besoin met en jeu des critères de « Dominant / Dominé » ou « Au-dessus / En dessous » et donc de guidant / guidé comme dans le tango. Il s’agit de « prendre le pouvoir avec ».
Au sein d’Inspirations Management, nous avons la chance d’avoir une consultante (Céline Tiberghien) qui est aussi professeure de tango et qui nous permet de faire vivre aux managers que nous accompagnons cette relation guide-guidé en lien avec la posture de manager-leader. Voici le parallèle qu’elle fait entre le tango et la relation manager-collaborateur : « La personne qui suit transforme l’énergie en mouvement ».
Les prises de conscience corporelles sont puissantes, très impactantes, et permettent de réels changements de comportements. Nous sommes convaincus, pour des prises de conscience fortes, gages de transformations des pratiques managériales, de la nécessité de sortir les managers que nous accompagnons du seul travail intellectuel pour aller vers des expérimentations corporelles différentes qui leur permettront grâce à leurs ressentis d’aller encore plus loin dans leurs changements, de progresser et d’ancrer de nouvelles postures de leadership. Et ainsi d’approcher réellement ce qui est attendu d’eux. Nous proposons de plus en plus au cours de nos parcours de formation des ateliers où les managers pourront expérimenter le leadership dans leur corps et être ainsi des « managers en corps ».
Et merci à Cédric Klapisch pour le « en corps » que je lui ai emprunté, et dont je vous invite à voir le très beau film du même nom.